Comment l'esclave peut-il s'affranchir de l'odeur du Maître et de la peur viscérale qui ronge ses entrailles sachant que cette peur est transmise aux générations futures par l'éducation de l'asservissement et de la soumission ? Cette terreur est maintenue par le Maître et léguée à une idéologie coloniale qui sévit encore aujourd'hui. Il est important de savoir comment le culte de la terreur a été pensé et entretenu depuis l'esclavage à nos jours. Durant l'esclavage, les esclaves rebelles étaient torturés, mutilés ou simplement assassinés. Ensuite les bourreaux organisaient des kermesses ou des parades pour exalter leur puissance et, de plantation en plantation ils exhibaient leur barbarie et par ce fait ils inculquaient le culte de la terreur chez toutes les populations esclavagisées du plus tendre enfant, serré très fort par sa mère qui peut être ne le verra pas grandir si le Maître décidait de le vendre, à l'homme le plus courageux et robuste. Ces punitions collectives entretenaient le culte de la terreur et dissuadaient les plus rebelles. Ces mêmes méthodes ont été maintenues durant la colonisation avec les sévices corporelles, la torture, les travaux forcés, les déportations et j'en passe. De nos jours ces mêmes méthodes sont maintenues avec l'univers carcéral, le lynchage médiatique et l'isolement de tout rebelle en quête de dignité, d'émancipation et de liberté. A chaque fois que des populations noires se sont levées pour lutter, leurs luttes ont été réprimées dans une grande brutalité voire dans une grande barbarie. Nous avons tous vu le débarquement d'escadrons surarmés en Guadeloupe pour briser le mouvement et casser du nègre. Nous pouvons voir des exemples de cette répression partout à travers le monde. Ils nous donnent l'exemple des Etats Unis comme modèle d'intégration raciale mais savez vous qu'à l'heure où j'écris ce message il y a des personnes comme Soundjata Acoli, Mumia Abu Jamal, Jalil Muntaqim, Mutulu Shakur et tant d'autre qui sont en prison depuis plus de 30 ans. Leur seul but était d'aspirer à la liberté face à la ségrégation raciale. Imaginez vous des pays qui se disent civilisés ou en démocratie où des gens qui luttaient pour plus de justice, d'égalité et de liberté sont enfermés pendant plus de 30 ans. Nous avons tous étaient choqués par l'histoire de Nelson Mandela mais l'histoire de Soudjata Acoli ou de Assata Shakur… m'émeut encore plus. Imaginez vous au 21ème siècle qu'une prime de 1.000.000 de dollars soit offerte pour la capture ou l'assassinat de Assata Shakur figure emblématique de la résistance noire aux Etats Unis. C'étaient les mêmes récompenses que le Maître offrait à des chasseurs de primes pour capturer ou tuer un esclave en fuite. Et là nous sommes en 2009. Cela nous montre toute l'étendue de l'hypocrisie d'un système qui exhibe des symboles d'évolution d'un coté et de l'autre maintient ses symboles de terreur. Il ne faut pas que le Président Obama cautionne et alimente cette hypocrisie car il est incompréhensible de signer le décret pour la fermeture de Guantanamo et ne pas signer de décret pour lever le voile sur Conteil Pro et l'emprisonnement de tous les prisonniers politiques aux Etats-Unis. Prisonniers politiques dont les sacrifices ont contribué à son élection. Le problème réside dans le fait que ce sont les mêmes bourreaux qui emprisonnent et tuent qui jugent. Les mêmes bourreaux qui informent, maîtrisent et manipulent l'opinion publique. Comment s'affranchir de l'odeur du maître? Comment s'affranchir de la peur et de la terreur qui broient nos entrailles de nègres traumatisés ? Par l'équilibre de la terreur. Les Neg Marrons l'avaient bien compris et nous pouvons leur rendre grand hommage car par leur clairvoyance et leurs actions ils ont pu éradiquer l'esclavage mais les faiseurs d'histoire glorifieront toujours Schœlcher à la place de Nat Turner ou de la Marron Solitude. Les marrons ont su rééquilibrer la terreur par des actions à la hauteur de la barbarie du Maître. Ils savaient égorger quand il le fallait par amour pour leur liberté, leur dignité et pour préserver leur honneur. Pendant la lutte pour les droits civiques et les luttes de décolonisation, des mouvements comme les Blacks Panthers ou les Mau Mau prirent le relai pour rééquilibrer la terreur de la machine coloniale ou ségrégationniste, ce même système qui veut préserver la suprématie de la race blanche sur la race noire. Au jour d'aujourd'hui nous sommes dans le règne de l'hypocrisie et du mensonge. Une suprématie blanche qui veut continuer à préserver ces privilèges en reniant l'héritage ignoble et en perpétuant des actions pour maintenir sa domination sur le peuples noir à travers le monde. Ils nous parlent d'abolition de l'esclavage mais ils ont maintenu sur des siècles le même système esclavagiste avec les terres, les richesses et les outils de répressions entre les mains des fils ou des petits fils d'esclavagiste. Au même moment, les petits fils de marrons ont oublié les valeurs et les codes de transmission de leurs valeureux ancêtres. Les populations noires par peur ne savent pas préserver leurs codes de transmission, ni les valeurs qui restaurent leur fierté et leur dignité. Ils nous parlent d'indépendance, c 'est à dire de décolonisation, mais ils maintiennent les mêmes rouages et stratégies pour profiter des matières premières et des richesses des anciennes colonies par un système de parrainage de traitres, de dictateurs et de bases militaires pour réprimer, soutenir et maintenir les régimes néocoloniales (L'aviation française effectuant des raids aériennes en terre africaine pour préserver ses intérêts). Alors ils nous parlent d'aller de l'avant, ils nous disent que l'esclavage c'est du passé, que la colonisation est finie. Comment être aussi naïf. Les systèmes et les idéologies qui ont été à la base de l'esclavage et de la colonisation sont maintenus donc l'esclavage n'est pas derrière nous et la colonisation est toujours à l'ordre du jour. Il est temps pour nous de nous affranchir de l'odeur du Maître, de nous libérer de la peur et de la terreur. Seuls l'équilibrage de la terreur, le courage et la bravoure peuvent permettre cela. Un marron disait : « pour m'affranchir de l'odeur du maître j'ai dû l'égorger et me laver de son sang ». Il est tant que la France assume et commence à réfléchir au prix du sang avant que la nature et le temps ne s'en chargent. La France doit prendre pleinement conscience que le sang à un prix. C'est ce que nous appelons communément « le prix du sang ». Il y a deux procédés pour payer « le prix du sang » : soit le payer par une reconnaissance de ses crimes et un dédommagement financier pour les crimes commis pendant l'esclavage et la colonisation aux victimes, soit les victimes un jour ou l'autre réclameront « le prix du sang » en versant le sang des bourreaux. Et chaque génération avec sa mission. Il y a une génération qui est la génération de la rupture, la génération de l'insoumission, la génération de l'honneur, de la dignité et de l'émancipation, la génération consciente qui prend conscience de tout l'étendue de l'hypocrisie d'un système mis en place pour nous maintenir dans la servitude et dans la soumission, dans l'assimilation et la négation de nos propres identités. Une révolution se prépare. Une révolution noire se doit de se rattacher aux révolutions historiques, en tirer les leçons et surtout les valeurs qui en ont été les moteurs. La jeunesse doit se réapproprier les valeurs des Neg'Marrons, la détermination des Black Panthers et des Mau Mau et se plonger dans l'âme de ses grands et valeureux combattants qui tout au long de notre histoire ont tout sacrifié pour nous donner dignité et honneur. Le leitmotiv de notre génération doit être : sacrifice, notre slogan : « plus jamais », notre bouclier : la mémoire (qu'ils veulent effacer ou éradiquer), et notre fer de lance : la conscience. Une conscience qui nous fera sublimer la peur et la terreur et fera de nous des résistants, des êtres qui oeuvrent pour la liberté et l'émancipation. Je les vois coller des étiquettes : racailles, casseurs, voyous… Mais c'est cette jeunesse stigmatisée, laissée en marge qui crie avec son langage et ses armes qu'elle ne veut plus être le martyr de cette histoire. C'est cette jeunesse qui vous crie qu'elle ne veut plus être esclave et colonisée. C'est cette jeunesse qui vous crie qu'elle ne vivra plus soumis en courbant l'échine en disant « oui bwana ». C'est cette jeunesse qui vous crie qu'elle n'acceptera plus les violences et les brutalités policières. Ce sont ces jeunes décriés sur les plateaux de télé par des nègres pantins qui aiment rassurer le maître en lui faisant croire que tout va bien. Ils pensent bénéficier de quelques miettes et privilèges et ne savent pas que le monde du Maître est entrain de s'effondrer. Mais il a fallu que ces jeunes mettent en danger leur vie et leur liberté pour que ces mêmes nègres pantins bénéficient d'un semblant d'évolution. Au jour d'aujourd'hui ces cris de liberté et d'émancipation sont réprimés dans une grande brutalité policière et un harcèlement judiciaire. Or, seule la lutte permet de recouvrir sa liberté, et ces jeunes ne peuvent lutter qu'avec le langage et les armes en leur possession. Au lieu de les décrier ils seraient temps de leur offrir d'autres armes et moyens pour triompher dans leur lutte car ils sont souvent seuls face à une machine brutale et bien huilée formée à la répression. C'est cette même jeunesse qui est la force vive de notre peuple avec des perspectives extrêmement limitées. Le système essaye de dissoudre leur lutte et de canaliser leur force en les incorporant dans les forces de police ou dans l'armée au mieux, et au pire en les brisant dans un univers carcéral. Il nous faut trouver un juste équilibre de la terreur et une force de dissuasion. Seuls ceux qui ont la même force peuvent avoir une discussion équitable sinon celui qui a plus de force fini toujours par imposer ses idées. La victime ne peut discuter avec son bourreau que quand il est en mesure de le contraindre à l'écouter. Nous devons aujourd'hui trouver les voix et moyens de contraindre les colons à nous écouter. Je me sens solidaire de cette jeunesse dépouillée de tout et livrée à elle même qui utilise les moyens dont elle dispose pour exprimer son cri de liberté sans oublier qu'elle subit la répression policière et judiciaire pendant qu'une « élite » bénéficie allégrement des acquis de ses combats. Je reconnais que souvent leurs actions et leurs expressions de révolte nous offrent des avancées. Je me sens solidaire de toutes les femmes et de tous les hommes qui se dressent et luttent avec toutes leurs forces, leurs talents et leurs armes contre cette idéologie coloniale. Aujourd'hui je suis le colonisé, au même titre que le colonisé Africain déporté en Guadeloupe, le colonisé Africain, le colonisé Africain américain ou le colonisé Africain vivant en Europe qui sur trois continents sait qu'il doit lutter pour s'affranchir de l'odeur du Maître. Et by any means neccesary comme dirait Malcolm X. Je joins à cet article un texte extrait de l'ouvrage : Ma Conscience Aiguisée qui je l'espère contribuera à nous affranchir du culte de la terreur et nous aidera à trouver les voies pour équilibrer la terreur. RETA Quand la dignité et la fierté se tuent par le culte de la terreur, la peur et la lâcheté se perpétuent en un cycle qui s'inscrit dans une continuité historique. Il est des nuits où la lune a oublié de briller, les étoiles de scintiller où au loin on pouvait apercevoir une croix en feu pour signaler à des cavaliers blancs drapés de blanc d'abattre la peur et la terreur sur ces êtres. Ce soir encore des familles seront séparées, des pères tués, des enfants arrachés au bras de leur mère et d'autres conçus dans le refus et la douleur. Alors le glaive de la terreur du Ku Klux Klan s'abattra une fois encore. Il est des nuits où les gyrophares de ces hommes en uniforme me renvoient à l'image de cette croix en feux. Ce soir encore un homme issu de mon peuple sera victime de la barbarie policière coupable de porter cette couleur de peau qui aura suscité tant de haine et de mépris. Alors il se demandera quel délit il aurait commis pour subir et encore subir, meurtri encore plus par l'image de ses sœurs et frères cachés derrière leur fenêtre qui ne comprennent pas que leur tour se décidera un jour par un hasard arbitraire. Alors la peur et la lâcheté se perpétueront en un cycle qui s'inscrit dans une continuité historique. Il est des nuits où l'enfant tourmenté se blottira dans les bras de sa mère, horrifié par les scènes de torture infligées à cette esclave rattrapé durant sa fuite. Alors ce soir ils rassembleront hommes, femmes et enfants de la plantation et celles des alentours pour tuer en eux toutes formes de rébellion. Alors jusqu'à l'aube la mère serrera fort son enfant en lui répétant que le maître était bienveillant, qu'il fallait se résigner et ne jamais être acharné comme ce fou de nègre qu'ils auront alors assassiné. Il est des nuits où l'enfant tourmenté se blottira à nouveau dans les bras de sa mère, terrifié par les scènes de sévices corporels infligés à son père qui n'a pu verser le tonnage exigé par le chef de canton. Alors ce soir ils rassembleront tout le village pour tuer en eux toutes formes de révolte. Et après lui avoir fait subir les pires sévices, ils l'expédieront aux travaux forcés. Alors jusqu'à l'aube la mère serrera fort son enfant en lui suppliant de ne jamais être rebelle comme son père. Mais il est des nuits où la lune brille d'un éclat annonciateur car elle sait que demain le soleil brillera et réchauffera le cœur des survivants. Alors le sentiment de peur et de lâcheté s'effacera de l'âme de mes frères et sœurs et le peuple africain marchera enfin vers son destin. Mbegane NDOUR -- Littérature: http://www.menaibuc.com/Ma-conscience-aiguisee Musique: www.believe.fr/mbeganendour Pour L'émergence des Consciences Africaines
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